The Great Escape - Figaro
Bonjour,
J’avais déjà éprouvé un grand plaisir à rédiger mon premier CR avec les EZ. Imaginez un peu ma joie de rédiger le 3ème pour ma première victoire au classement général.
J’ai préparé cette course comme habituellement. Un routage par jour dans les jours précédant le départ pour étudier les tendances et suivre les évolutions météo sur Windy. Je n’utilise pas le pilot Chart car je ne sais pas bien m’en servir.
Contrairement à l’habitude sur les transats, les premières estimations indiquent que la route directe en doublant le cap Finisterre ne sera pas favorite. Il faudra très probablement monter au nord. Dans leurs interviews à Ouest France, les skippers professionnels semblent également vouloir privilégier cette option. Je trouve cette perspective d’autant plus intéressante que j’en ai un bon souvenir. En 2015 sur la transat Jacques Vabre, j’avais fait en Class 40 ce que je considérai à l’époque comme mon meilleur résultat.
Au départ, je ne me prends pas la tête et j’opte, comme beaucoup de monde, pour la route nord. Après un petit bord ouest pour m’écarter de la côte, direction le sud de la Bretagne avant de mettre le clignotant sur bâbord en direction des Amériques.
Assez rapidement, je retrouve la tête de course et je mène même la flotte des EZ. Cette première partie n’est pas très technique mais il faut tout de même être prudent et faire attention. Je m’applique à jouer sérieusement et je ne commets pas d’erreurs grossières (ça change de mes mauvaises habitudes). Je fais les petits ajustements nécessaires et mes virements sont tous dans le bon tempo. Globalement, je suis assez content de ma navigation d’autant que, dans les 3 autres catégories, je suis également assez bien placé. Bref, à la fin de la première semaine de course je suis 25ème et toujours dans le groupe de tête.
Le tournant de cette course s’est joué au 8ème jour de course lors de la mise à jour de minuit. Sur la précédente MAJ, il n’y avait normalement rien à faire de spécial en Figaro et en Class 40 sur les prochaines 48 heures. Je commence donc par regarder l’Ultim et l’Imoca et je fais tranquillement mes programmations pour la nuit.
Lorsque je me penche enfin sur le Figaro, les routeurs proposent de virer au nord pour contourner une grosse dépression positionnée au large de la Nouvelle Ecosse. La majorité du groupe de tête a déjà viré. J’ai une ligne d’une dizaine de programmations toujours active. Je remarque assez vite qu’il doit être possible de passer entre les 2 systèmes météo qui sont devant nous. Je regarde plus en détail sur Windy. A l’aide des programmations, je teste deux routes. La première indiquée par zezo et celle que je vois nettement. Je refais mes calculs, je modifie ma ligne de prog et tout semble correspondre. Je sais bien que c’est assez irrationnel de refuser les meilleurs vents mais j’estime qu’avec un peu de chance, ça doit passer. Je suis tout de même un peu dubitatif. Je vois clairement la route mais tout le monde vire. Il est donc urgent d’attendre…
Dans cette période dite d’incertitude météo, je switche régulièrement entre Figaro et Class 40. J’ai rapidement la conviction que ce qui est possible en Figaro l’est également en Class 40. J’attends la fin de la mise à jour et à 01h30 ma décision est définitivement prise : je vais faire route au SSO avec les deux bateaux et tenter de passer entre les deux systèmes.
Le 09/04 au matin, c’est beaucoup moins évident. Ce que j’avais pensé être une autoroute s’est transformée en petit chemin vicinal. Ma ligne de projection ne passe plus entre les deux systèmes qui, tout en continuant leur route ouest se sont légèrement décalés au nord. J’ai pris tellement de retard sur le groupe que j’ai quitté la veille qu’il n’est plus possible de les rejoindre sans y laisser de grosses plumes.
Mon plan est finalement assez simple : passer sous la dépression puis de tirer le plus droit possible en direction de l’arc Antillais.
Je replace une ligne de prog devant mon bateau et je vire au nord-ouest. Je cherche le passage pour reprendre le plus vite possible ma route au SSO. Je suis convaincu que plus je vais passer de temps au NO, plus mon option sera mise en difficulté. En parallèle, je regarde encore s’il est toujours possible de rejoindre le groupe nord. Cette option est rapidement abandonnée. Après avoir repoussé plusieurs fois la première prog je retrouve enfin "mon" passage. C’est maintenant un trou de souris mais je n’ai plus le choix. Je n’ai pas noté la durée de ce bord NO, mais le l’ai trouvé interminable.
Lorsque je reprends ma route initiale au SSO, je suis 6ème de la course. Je sais bien que c’est plus un classement de circonstance qu’une réalité. Je me remémore alors les conseils reçus lors du Trophée Jules Verne. Je mets en suivi les 5 bateaux qui sont devant moi. Ils sont tous les 5 plus sud mais également plus est. Cet écart latéral me semble bon point.
Les routeurs n’étant pas du tout d’accord avec ma stratégie, je décide de m’en passer quelques temps et je passe en mode NAP. Je me fixe comme objectifs de conserver un maximum de vitesse avec un minimum d’ouest :
Le maximum de vitesse c’est pour passer devant ceux que j’estime être mes adversaires directs
Le minimum d’ouest c’est pour conserver toutes mes chances passer devant le groupe du nord.
Je sais très bien que lorsque les bateaux du groupe nord vont entamer la descente, ils vont bénéficier de vents soutenus et qu’ils auront bien plus de vitesse que moi. Il est donc important de ne pas traîner en route et de tirer le maximum de mon Figaro.
Je me suis appliqué à suivre cette double stratégie et même lorsque les routeurs m’ont finalement redonné une route conforme à mes souhaits. J’ai soigné et lissé mes trajectoires, surveillé les polaires, naviguer dès que possible en TWA .0. J’ai été présent à pratiquement toutes les mises à jour et j’ai régulièrement corrigé mon cap pour conserver mon ratio. En résumé, je pense avoir fait le job et tiré le meilleur du bateau et des conditions. A ce moment de la course je suis assez serein et relativement optimiste.
J’ai eu un moment de grand doute lorsque j’ai zezoté le groupe de nord et que plusieurs fois de suite je l’ai trouvé assez nettement devant. Mais comme à son habitude et en grand frère, Patrice a su me remotiver estimant à raison que les choses pouvaient changer. D’un autre côté, il l’espérait également car il m’a suivi dans cette aventure. N’ayant rien à perdre (au contraire), j’ai continué à être sérieux et à appliquer strictement ma stratégie.
A partir de 14ème jour de course, la météo penche définitivement en ma faveur. Je commence à sérieusement entrevoir un dénouement favorable. A ma plus grande surprise, j’ai pris la tête de la course dans la nuit de 8 au 9/04. Je ne m’attendais pas à ce cela arrive si vite.
Je fais un point le plus précis possible sur toutes les forces en présence. Tout d’abord, par rapport aux bateaux que j’avais considérés comme des adversaires directs. Sur ce point, je suis rassuré, ils sont tous à minimum 4 heures derrière. Ensuite sur le groupe du nord que je pense être les mieux placés pour me disputer la victoire. Tous les ETA me donnent assez largement en avance. Mais nous le savons bien, il faut se méfier de la fiabilité des ETA de Zezo. Je cherche si d’autres participants non encore identifiés peuvent se trouver dans mon secteur. Rien, je ne vois rien. J’en arrive à la conclusion que je suis en avance sur tous les autres concurrents quelques soient leurs positions sur le plan d’eau. A la fin de la mise jour de minuit du 09/04, j’ai la quasi-certitude que je vais enfin m’imposer sur une course. A partir de ce moment je n’ai qu’une option et un seul objectif : Ne pas commettre d’erreur.
Dans la nuit du 9 au 10, je passe l’arc Antillais avec des marges de sécurité énorme. Ce n'est pas la peine de faire du rase cailloux et de prendre des risques inutiles pour gagner quelques secondes.
Petite frayeur le 10 au matin, je suis 5ème de la course. La première idée, j’ai loupé un truc ou j’ai fait une connerie. Fébrilement, j’ouvre la course et je regarde le classement. Les 4 premiers sont dans le groupe du nord. Une vérification rapide des ETA me rassure immédiatement et quelques heures après je reprends la tête.
Bien que la route soit assez droite, je me suis astreint à bien m’appliquer pendant les 3 derniers jours de course pour finalement franchir la ligne d’arrivée victorieusement en 19j 18h 10m 40s et 62 miles d'avance sur le second.
Il y a deux choses qui m’ont marqué sur cette période. Je n’ai jamais eu autant de nouveaux followers et, 48 heures avant l’arrivée, j’ai reçu de nombreux messages de félicitations alors que je n’étais pas encore totalement convaincu de m’imposer.
A la lecture de ce CR, certains seront tenter de dire que j’ai eu de la chance. Je suis assez d’accord avec eux à deux différences près : Cette chance, j’ai su la provoquer puis la bonifier. J’en suis d’autant plus heureux que cela gomme d’un seul coup toutes mes tentatives infructueuses qui m’ont coûté parfois fort cher au VSR.
En rejoignant les EZ, j’avais plusieurs objectifs :
Rentrer dans le top 100 VSR
Gagner une course
Faire un top 500 dans un Vendée Globe
Grace à votre aide, je viens d’en cocher un deuxième. Merci à toutes et à tous.
Avec cette victoire, je n’ai pas la prétention d’être devenu un "cador" et je reconnais bien volontiers que cette victoire est plus liée aux conditions de courses très spécifiques qu’à mon « talent » de skipper virtuel. Je reste réaliste car, lorsque je me mesure aux vrais champions de cette discipline sur des stratégies équivalentes, ils sont très (trop à mon gout) régulièrement devant moi. J’ai seulement la douce satisfaction d’avoir gagné une course et cela suffit à mon plaisir.
Bonne continuation à toutes et à tous et à bientôt sur le plan d’eau.
Serge
PS : Prenez soin de vous et de vos proches
